Comment notre alimentation régule nos humeurs.
- Mélodie
- 20 sept. 2023
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 févr.
Manque de motivation, fatigue, nervosité, anxiété ou à l'inverse excitation, joie, productivité... vous avez parfois du mal à comprendre ces fluctuations ? La qualité de votre alimentation jouerait un rôle clé dans la régulation de vos humeurs et le maintien d'une bonne santé mentale. Découvrons ensemble pourquoi !

Mauvaise humeur : à qui la faute ?
Vous êtes démoralisé, nerveux, triste, découragé...vous avez le cafard ? Mais savez vous réellement pourquoi ? Quand on vous pose la question, les causes exprimées sont multiples. Vous manquez de motivation, vous êtes fatigué, contrarié ou vous vous êtes simplement levé du mauvais pied. Parfois ce sont aussi les autres qui vous agacent, la situation, la météo, le bruit. A tort ou à raison... Car en réalité il ne faut pas confondre les déclencheurs et les causes profondes, complexes et multiples.
Si l'on prend l'exemple d'une plante mal entretenue, l'humeur représente son état de santé. Si la plante est toute rabougrie, pâle et ne fleuri pas, son propriétaire pourrait par exemple rejeter la faute sur la météo. Ce ne serait pas faux, mais incomplet. Car, si l'on considère cette même plante, qu'on lui apporte les soins nécessaires (engrais, abris, arrosage, taillage...), cette dernière aurait été plus vigoureuse et aurait plus de chance de résister aux aléas de son environnement. Le terrain et l'entretien sont essentiels.
Il ne faut pas confondre le déclencheur et les causes. Agir sur les causes c'est diminuer l'impact du déclencheur.
En effet, en cas de mauvaise humeur, les causes invoquées sont souvent instantanées (déclencheurs), hors de contrôle et finalement mènent à une sorte de fatalité à laquelle on se résigne facilement : "ça va passer", "c'est comme ça", "ça ira mieux quand...". Nos états d'âme sont ainsi souvent considérés comme un état subi, qui échappe à notre contrôle ou sans cause réellement palpable. Il faut "attendre que ça passe". Certes, nos pensées, notre volonté et les événements extérieurs ont leur rôle à jouer dans la coloration de nos humeurs. Et nous n'avons pas toujours le contrôle sur les évènements, il est aussi bon de lâcher prise. Mais en réalité, notre alimentation joue un rôle central dans notre fonctionnement global, y compris nos humeurs.
Comment notre alimentation influence nos humeurs ?
A l'ère des neurosciences, la frontière entre notre corps et notre esprit se dissipe largement. Le fonctionnement physiologique du corps se révèle être en étroite relation avec le fonctionnement de nos pensées, nos émotions et nos comportements.
En effet, notre corps ne fonctionne pas à vide, il a besoin de nutriments pour alimenter nos organes vitaux et assurer toutes ses fonctions. Dans un vaste système d'échanges, notre cerveau reçoit en permanence des informations du "reste du corps" (la tête fait partie intégrante du corps) sur l'état des réserves nutritives ou encore du contenu du système digestif. En retour, tel un chef d'orchestre, le cerveau influence le fonctionnement des organes mais aussi nos pensées, nos émotions dans le but d'adapter notre comportement aux évènements internes et externes et en relation avec le niveau des ressources. Cette communication à double sens est indispensable à notre survie. A savoir aussi que tous ces échanges et ces voies de communications ont eux-mêmes besoin de nutriments pour fonctionner.

Une alimentation qui n'apporte pas les ressources dont notre corps à besoin a indéniablement des répercussions sur notre fonctionnement physique et psychologique et sur nos comportements. La faim rend nerveux pour nous pousser à rechercher rapidement de la nourriture. En anglais, les deux se confondent d'ailleurs pour former un seul mot "hangry" : "anger" (colère) + "hungry" (faim).
Inversement, nous mangeons quand nous n'avons pas le moral : nous cherchons à combler un manque affectif certes (par le plaisir de manger), mais aussi physique : en favorisant les nutriments dont nous avons besoin pour réguler nos émotions. En faisant le lien entre besoins physiques, psychiques et émotionnels, l'alimentation permettrait d'améliorer notre bien-être et notre humeur, c'est le rôle notamment de la psychonutrition.
Que faut-il manger pour être de bonne humeur ?
Faisons le point sur les nutriments et certains de leurs rôles clés dans la régulation de l'humeur.
L'eau : la base
Oui, on ne le répète jamais assez : l'eau est l'élément le plus vital et ce n'est pas un hasard. L'eau assure de nombreuses fonctions indispensables à la régulation de l'humeur : elle permet d'assurer les réactions biochimiques de l'organisme, de transporter les nutriments, d'éliminer les toxines, elle participe à la régulation des hormones, de l'immunité... Il a été prouvé qu'une légère déshydratation favorise le stress, l'anxiété, l'irritabilité et la nervosité. Elle diminue par ailleurs les performances cognitives et favorisent la fatigue eux mêmes potentiellement responsables d'une baisse de moral.
Voir l'article : Déshydratation : oubliez vous trop souvent de boire ?
Les protéines : précurseurs de nos hormones.
Les protéines sont une combinaisons d'acides aminés, sortes de briques qui constituent les protéines. Certains acides aminés sont dit essentiels car il doivent impérativement être apportés par l'alimentation, d'autres sont fabriqué par le corps. Lors de la digestion, les protéines sont découpées pour libérer ces acides aminés qui sont ensuite utilisés pour fabriquer nos hormones par exemple. Et l'on sait à quel point les hormones influencent nos humeurs !
Le tryptophane par exemple est un acide aminé qui nous permet de synthétiser la sérotonine, l'hormone du bien être. Un déficit en sérotonine est retrouvé dans les humeurs dépressives. A noter que la sérotonine est elle-même précurseur de la mélatonine, hormone du sommeil. L'expression "se lever du mauvais pied" prend alors tout son sens quand un mauvais sommeil nous met d'humeur ronchon au réveil. On retrouve le tryptophane dans les viandes blanches (poulets, dinde), le riz, les légumineuses, les œufs, le chocolat (cacao), la banane...
Autre exemple, la phénylalanine, contenue aussi dans les viandes, les œufs, le fromage (brie, parmesan) mais aussi dans le tofu, les lentilles ou encore la spiruline. Cet acide aminé permet de synthétiser la dopamine, l'hormone de la motivation, elle favorise une humeur enthousiaste. Elle est maximale le matin, ce pourquoi les petits déjeuners protéinés sont fortement recommandés pour bien démarrer la journée.
La consommation de protéines est donc importante, mais attention à ne pas tomber dans l'excès de consommation de protéines animales qui peuvent être inflammatoires. Et l'inflammation a des répercussions très importantes sur l'humeur, nous y reviendront. Les protéines végétales représentent une bonne alternative complémentaire. Il est intéressant par exemple d'associer les céréales et les légumineuses, comme par exemple dans le couscous végé (semoule et pois chiches) pour bénéficier de tous les acides aminés.
Les glucides : source d'énergie.
Les glucides (sucres simples ou complexes) sont notre première source d'énergie et ont un rôle central dans le fonctionnement global de l'organisme. A l'image des protéines qui libèrent des acides aminés lors de la digestion, les glucides libèrent du glucose, autrement dit, du sucre. Le glucose permet à nos cellules de fonctionner, il est aussi le principal carburant de nos neurones.
Le cerveau utilise 20% de l'énergie du corps
Au delà de son rôle énergétique, le glucose facilite aussi le passage du tryptophane au niveau cérébral. Il favorise ainsi la synthèse de sérotonine (et de mélatonine) dans le cerveau. Cependant, le passage du glucose dans le cerveau est strictement régulé, cela ne sert donc à rien de manger une grande quantité de sucre pour booster le cerveau (4).
En effet, l'excès de sucre a des effets néfastes sur la régulation de l'humeur via de nombreux mécanismes :
l'hypoglycémie réactionnelle
déséquilibre du microbiote
dérégulation du système de récompense et du système dopaminergique
sécrétion de cortisol (hormone du stress)
l'inflammation et la réponse immunitaire
Il est important de préciser que la consommation de glucides dits "lents" n'a pas le même impact sur l'organisme que les glucides simples (sucre). Les premiers apportent de l'énergie diffuse en respectant l'équilibre glycémique, ce qui n'est pas le cas du sucre de table ou ceux contenus dans le pain blanc, les viennoiseries, les frites..
Zoom sur les fibres Les fibres sont en réalité une forme de glucides complexes qui ont la particularité d'être digérées par notre microbiote. Elles ont aussi un rôle important à jouer dans la régulation de l'humeur car leur fermentation par nos bactéries intestinales libère des acides gras à chaîne courte comme le butyrate. Ce dernier est particulièrement associé à une meilleure santé émotionnelle (1,4). |
Les lipides : l'huile dans le moteur.
Les lipides sont constituant de nos tissus, de nos cellules. Aussi appelé acides gras, ils permettent de fluidifier "mécaniquement" les échanges cellulaires et jouent aussi un rôle de transports pour certaines vitamines liposolubles. Mais attention, tous les lipides ne sont pas équivalents, certains sont plus bénéfiques que d'autres. Les acides gras trans sont plutôt à éviter (nous y reviendrons plus loin concernant la "malbouffe"), d'autre à limiter comme les graisses saturés contenus dans la viande rouge.
Une autre catégorie d'acides gras en revanche à le vent en poupe, ce sont les omégas 3. Ils sont reconnus pour leurs propriétés anti-inflammatoire et jouent un rôle important dans l'équilibre émotionnel en facilitant la conduction nerveuse. Un cerveau dont les connexions fonctionnent bien facilite la gestion des émotions. Par ailleurs, l'inflammation à un impact sur notre bien être mental via la réponse immunitaire. L'activation du système immunitaire va entraîner une ce qu'on appelle un "comportement de maladie" dans le but d'allouer toutes nos ressources à la lutte contre l'élément perturbateur. Ce comportement s'apparente à une humeur dépressive : fatigue, perte d'appétit et d'envie, retrait social...

On retrouve les omégas 3 en qualité et quantité variables dans : les petits poissons gras (maquereau, sardines..), les graines et l'huile de lin, les graines de chia, les noix ou les œufs (de qualité Bleu Blanc Cœur). L'apport en oméga 3 doit cependant être équilibré en rapport à la consommation d'oméga 6, eux mêmes très présents dans notre alimentation et ayant un effet pro inflammatoire. Elle s'intègre donc dans une alimentation équilibrée. Dans les troubles de l'humeur avérés, il est recommandé de se complémenter pour assurer le bon équilibre.
Les vitamines et minéraux : les facilitateurs
Les vitamines sont des micronutriments au même titre que les minéraux : ils sont présents en plus petite quantité dans l'organisme mais leurs fonctions sont essentielles. Vitamines C, vitamines B, magnésium, calcium, potassium... ils ont tous un rôle à jouer dans notre équilibre physique et psychique.
Les vitamines du groupe B sont particulièrement impliqués dans les processus physiologiques régulant l'humeur. La vitamine B6 favorise l'absorption du magnésium, lui même est impliqué dans la gestion du stress et dans plus de 300 réactions physiologiques. Une étude soutient l'hypothèse qu'une supplémentation en vitamine D réduirait les émotions négatives (3). La vitamine B12, que l'on retrouve majoritairement dans la viande et qui peut manquer dans les régimes végétariens, permet la synthèse de neurotransmetteurs et assure ainsi le bon fonctionnement du système nerveux. En plus des fruits et légumes qui en sont riches, pensez aux herbes fraîches et aux épices, elles sont d'excellentes sources de vitamines et minéraux !
L'iode est un minéral important pour le fonctionnement de la thyroïde et la production des hormones thyroïdiennes. Une carence en iode ou encore en fer et en magnésium peut provoquer un ralentissement du métabolisme associé à des symptômes dépressifs.
Alimentation ultra transformée vs régime méditerranéen
Une alimentation ultra transformée se caractérise par une consommation régulière de produits alimentaires dont la qualité a été altérée par différents processus industriels : sodas, plats préparés, produits sucrés, aliments soufflés (attention aux galettes de riz !)... Les nutriments sont souvent appauvris, dégradés et on y retrouve un nombre plus ou moins importants d'additifs.
Dans les troubles de l'humeur comme la dépression, on retrouve généralement des microbiotes moins diversifiés et des marqueurs de l'inflammation (1). L'alimentation ultra transformée modifie notre microbiote, favorise l'inflammation, l'altération de la paroi intestinale, de l'absorption des nutriments et de la synthèse hormonale.
Le régime méditerranéen à l'inverse à montré des effets positifs sur la santé générale et particulièrement mentale (2). Sans surprise, il se compose majoritairement de fruits et légumes, de céréales complètes (riches en fibres), de légumineuses, produits de la mer et bonnes graisses (huile d'olive, noix, amandes)... et prône le fait maison en toute simplicité avec des catégories alimentaires diversifiées et des produits bruts.
Bien manger pour être heureux

Enfin, l'humeur joue un rôle important dans nos comportements, notre façon d'appréhender les événements de notre vie et notre bien-être global. Lorsque qu'on ne se sent pas bien, nous sommes moins enclins à nous lancer dans des activités positives et avons plutôt tendance à nous replier sous nous même. Ces comportements ont un impact général sur notre bien-être et notre santé physique et mentale. Pour casser le cercle vicieux, l'alimentation est donc un levier tangible pour retrouver apaisement, joie et sérénité, optimiser sa santé et son bien être global.
Les exemples cités ici sont loin d'être exhaustifs pour raconter les liens d'influence qui existent entre la qualité de notre alimentation et notre humeur. Cependant, nous avons montré qu'un apport équilibré en nutriments est nécessaire pour permettre de réguler nos humeurs.
S'il n'existe pas d'aliments miracles qui soigneraient tous nos maux, il est simplement recommandé d'adopter au quotidien une alimentation équilibrée, variée, riche en fruits et légumes et peu transformée. Il est aussi important de se faire plaisir, sans exclusion, ni restriction car nous avons besoin de tout ce que la diversité alimentaire peut nous offrir.
Mise en garde : les aliments conseillés dans cet article doivent être considérés comme des exemples pour illustrer le rôle des nutriments et non comme des conseils alimentaires absolus et stricts. L'individualisation est cruciale en santé car, selon notre génétique, notre mode de vie et notre état de santé, les recommandations peuvent fortement varier.
N'hésitez pas à poser vos questions en commentaire ou dans le chat en bas à droite. Je serai ravie d'y répondre !
Références
Fond, G. (2022). Bien manger pour ne plus déprimer : prendre soin de son intestin pour prendre soin de son cerveau.
Lassale C, Batty GD, Baghdadli A, Jacka F, Sánchez-Villegas A, Kivimäki M, Akbaraly T. Healthy dietary indices and risk of depressive outcomes: a systematic review and meta-analysis of observational studies. Mol Psychiatry. 2019 Jul;24(7):965-986. doi: 10.1038/s41380-018-0237-8. Epub 2018 Sep 26. Erratum in: Mol Psychiatry. 2018 Nov 21;: Erratum in: Mol Psychiatry. 2021 Jul;26(7):3657. PMID: 30254236; PMCID: PMC6755986.
Cheng YC, Huang YC, Huang WL. The effect of vitamin D supplement on negative emotions: A systematic review and meta-analysis. Depress Anxiety. 2020 Jun;37(6):549-564. doi: 10.1002/da.23025. Epub 2020 May 4. PMID: 32365423.
Fioramonti , X. (2023, mars). Le pouvoir des sucres sur le cerveau. Conférence présentée dans le cadre de «La semaine du Cerveau», France.
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